Le regard illuminé par sa bonne humeur habituelle, les traits tirés par la fatigue, Louis déambulait tranquillement dans les rues de Londres, Jake à ses côtés. Ils parlaient. De la pluie et du beau temps. De l'université. De leur humeur. De tout et de rien en même temps. C'était agréable. Autant que les rayons de soleil qui roulaient sur la peau de Louis, créant des effets de lumières qui arrivaient à le rendre encore plus spécial qu'il ne l'était déjà.
Si Harry l'avait vu, à la lueur du soleil, il en serait sûrement tombé amoureux.
« J'ai passé la nuit à peindre un truc, j'étais inspiré. C'est sublime. J'ai jamais peint comme ça. » souffla doucement Louis, le regard doux.
Un sourire étira les lèvres de Jake. Louis était une personne passionnée. Pas seulement passionné par la peinture, les jeux de couleurs, de lumières, d'ombres. Louis était passionné par tout et n'importe quoi. Il vivait avec passion. Parce qu'il ne voulait pas louper une seule miette de l'océan de souvenir futur qui s'étendait devant lui. Depuis que Jake le connaissait, il n'avait jamais cessé de l'étonner. Parce qu'il était si spécial, si naturel, tellement loin de son univers à lui. C'était ça qui lui avait plu, ça qui lui avait donné envie de rester à Londres. Parce que Louis était tellement différent de ce qu'il avait toujours connu.
Jake ne voyait pas la vie de la même couleur que Louis avant de le rencontrer. Il le voyait de la même couleur qu'Harry. Parce qu'ils vivaient dans un monde similaire. Pas le même, mais leur point commun était qu'ils avaient nagé dans l'argent, jusqu'à s'y noyer.
« Au lieu de me parler de peinture, parle-moi de Styles. Tu l'as revus ? »
Louis haussa les épaules. Son regard se voila.
Styles.
La dernière fois qu'il l'avait vu, c'était il y a un mois, quand il l'avait menacé de prendre un détective privé pour enquêter sur lui. Depuis, Harry avait disparu de son champ de vision. Parfois, Louis se surprenait même à espérer croiser son regard, au détour d'une ruelle ou alors accoudé contre le bar, les yeux rouges et les lèvres pincées. Il espérait mais ça n'arrivait jamais. Alors il avait abandonné l'idée de le revoir. Même pour une seconde.
« Il s'est volatilisé. Comme les oiseaux qui migrent. »
Le dire, à voix haute, lui pinça le c½ur. Harry l'avait répugné au premier abord, mais maintenant qu'il ne semblait plus faire parti de son paysage, il avait envie de le rencontrer par hasard et d'accepter sa proposition. Une envie si prenante, si puissante que ça lui faisait mal aux tripes d'y penser. Parce que c'était tellement idiot.
Idiot d'entrer dans son jeu et de faire de lui-même la proie d'Harry Styles.
« Dommage, ça m'aurais amusé de voir dans les magazines que la nouvelle pute d'Harry Styles est mon meilleur ami. » plaisanta Jake, le regard malicieux.
« Qui t'as parlé d'une pute, crétin ? »
Le regard de Jake resta rieur, pourtant, les traits de son visage se tendirent comme pour montrer à Louis que tout ceci était une évidence. Promptement, il se passa une main dans les cheveux tout en laissant le soleil lécher sa peau pâle. Harry ne cherchait pas l'amour, seulement une compagnie agréable. Et comme Louis était beau et dans le besoin, il pensait pouvoir l'acheter. Sauf que l'étudiant ne voulait pas être acheter, il voulait être aimé. Comme tout le monde.
« Tu l'as envoyé se faire voir alors j'imagine qu'il tente de t'acheter. Et qui payent-on pour le plaisir de la chaire ? Les putes. »
Louis leva les yeux au ciel en donnant une tape dans le bras de son ami. Sa logique, aussi imparable soit-elle, lui semblait d'une idiotie sans limite. La seule raison pour laquelle Harry lui proposait de l'argent, d'après lui, c'est parce qu'il avait peur de la solitude. Être seul et regarder sa vie en tant que spectateur lui faisait peur, c'était évident.
Pour lui. Rien que pour lui.
Parce que même si Harry voulait de la compagnie, il ne voulait pas de l'amour, de la compassion que les humains avaient à lui offrir. Il voulait seulement ne pas sortir seul de chez lui, chaque nuit, quitte à payer pour ça. Parce que l'argent, ça comptait tellement peu à ses yeux qu'il s'en contre fichait de devoir payer quelqu'un pour qu'il lui fasse du bien ou pour qu'il se montre en public avec lui.
Alors oui, Harry avait peur de la solitude. Mais il ne recherchait pas quelqu'un prêt à l'aimer ou même à lui tenir ses boucles brunes quand il vomissait salement sur le parking de la boîte de nuit ou sur la banquette arrière du taxi. Il cherchait seulement quelqu'un, pour des raisons pratiques et égoïste. Parce que c'est ce qu'il était devenu, Harry, égoïste de ses sentiments. Par peur d'être blessé.
« Je ne suis la pute de personne. Encore moins de ce beau parleur. »
Jake avait touché une corde sensible. Sensiblement douloureuse, même. Parce que Louis détestait tout ce qui s'éloignait de la normalité qu'il s'était forgé à l'intérieur de sa tête, pour que sa vie ait un semblant de bon sens. Il aimait les choses droites, qui ne sortaient pas de l'ordinaire. La décadence, les mal-êtres, les maux, l'argent sale, les assassins, les criminels, les hors-la-loi, les drogués, les suicidaires. Tout ça faisait peur à Louis. Parce que ça sortait de ses bonnes m½urs, que c'était l'inverse de ce qu'il était et de ce qu'il voulait être.
Mais ce dont il n'avait pas conscience, c'était que le monde d'Harry était remplis de cette différence qu'il fuyait comme la peste. Son monde était sale, sombre, monotone, remplit de vide et de douleur, d'argent et de poussière, de dégradation et d'agonie.
Harry était tout ce que Louis détestait.
« Tu avoues qu'il est beau parleur, c'est déjà ça. Bientôt, tu pourras dire qu'il est juste beau. »
La voix de Jake était douce. Et lorsque sa main glissa dans le creux du dos de l'étudiant, ce dernier ne put s'empêcher de poser sa tête sur son épaule. Tranquillement, ils allèrent jusqu'à la bouche de métro. Les odeurs d'urine et de nourriture se mélangeaient dans les souterrains. Mais Jake avait l'habitude de prendre cette ligne lorsqu'il accompagnait Louis à son travail, à la lueur des derniers rayons de soleil, chaque week-end. Et c'est cela même qu'ils s'apprêtaient à faire.
Jake avec l'espérance de passer une bonne soirée et Louis avec celle de voir Harry.
₪ ₪ ₪
« Louis. Ça faisait longtemps. »
La soirée battait son plein. Les personnes alcoolisées à l'extrême se trémoussaient toujours sur une rythmique sensuelle. L'alcool, la drogue coulaient dans leurs veines, à tous. Et au milieu de cet énorme bazar sans nom, Harry Styles était accoudé contre le bar, un air de désinvolture rendant les traits de son visage atrocement attractifs. Sa voix grave s'était élevée au dessus de tout ce brouhaha et le c½ur de Louis s'était arrêté, au même moment.
C'était comme si le monde s'était arrêté de tourner. Trop brusquement.
Et même s'il n'était pas réellement conscient de ce qui était en train de se produire, même s'il n'était pas certain d'avoir entendu la voix rauque du bouclé, même s'il imaginait avoir rêvé, une boule commença tout de même à se former dans le creux de sa gorge.
Depuis combien de temps espérait-il le voir débarquer, de manière aussi spontanée ? Longtemps. Alors, par peur qu'il ne disparaisse pour de bon, par peur de se rendre compte que tout cela n'était qu'une futile illusion de son esprit, Louis expira un long moment, se préparant mentalement au fait de se retourner. Puis, contrôlant chaque gestes, chaque mimiques, chaque émotions qui auraient la possibilité de tordre ses traits, il se retourna. Impassible.
« T'as perdu ta langue ? » souffla doucement Harry, un sourire en coin bordant ses lèvres.
L'ourlet de la lèvre inférieur d'Harry déstabilisa le mécheux. Il n'avait jamais remarqué à quel point ses lèvres étaient bien dessinées. Il les pensait un peu plus brouillonnes, un peu plus anodines. Pourtant, telle qu'il les voyait, entre l'ombre et la lumière, elles semblaient exceptionnelles.
« T'aimes bien disparaître et revenir comme une fleur ? » demanda t-il enfin, le souffle coupé.
« J'attendais que tu ais vraiment envie de me voir pour revenir. »
Mensonge.
Durant le mois qui venait de s'écouler, Harry s'était rendu quatre fois dans le café où il avait rendu la veste de l'étudiant. Une fois par semaine, le vendredi après-midi. Aujourd'hui, il s'y était également rendu, à la même heure que d'habitude, avec les mêmes lunettes de soleil qui couvrait son regard émeraude, les mêmes vêtements anodins qui le fondaient dans la masse. Sauf qu'aujourd'hui, Louis n'était pas là. Il n'était pas venu au café, n'avait pas commandé de chocolat chaud et n'avait pas rit jusqu'à en avoir mal aux côtes.
Il n'avait pas montré le bout de son nez, la couleur de ses yeux.
« Et tu penses vraiment que j'ai envie de te voir ? » grogna Louis, agacé.
« Vu ton visage qui est passé par toutes les émotions quand tu m'as vu, j'en déduis que oui. »
Le teint de Louis vira du rosé au rouge cramoisi.
C'était si évident que la présence d'Harry l'avait troublé, décontenancé, prit au dépourvu et qu'il n'avait pas su comment réagir ? Évidemment. Ça crevait les yeux.
Dans un monde où Harry aurait été quelqu'un de similaire à la majeur partie de la population, Louis n'aurait probablement jamais posé ses yeux sur lui et son sourire narquois. Parce qu'il n'aurait pas été imbibé de prétention, que son regard n'aurait pas reflété tout ce qu'il détestait en une même personne, que son sourire n'aurait pas eu cette pointe de narcissisme qui le rendait si insupportable, que son allure en générale n'aurait pas eu le pouvoir de le rendre invincible.
Et tout cela, Harry en avait vaguement conscience.
Peut-être même un peu trop conscience puisqu'il en jouait.
« Peut-être même que tu as envie que je te fasses l'amour. »
« La dernière fois tu voulais me baiser, qu'est-ce qu'il t'es arrivé ? »
Ce sentiment de n'être rien dès lorsque Harry ouvrait la bouche, Louis ne le supportait pas. Parce qu'il ne comprenait pas ces gens qui s'écartaient de son chemin, lui souriaient gracieusement comme s'il était l'une des personnes les plus respectables de la Terre, lui tendaient la main avec hésitation à cause de la peur qui suintait de leur regard hagard.
« J'ai compris qu'un gars né le jour de noël ne pouvait être qu'un gars sensible. » souffla simplement Harry alors qu'il avouait à demi-mot avoir réellement mené cette enquête.
Louis eut besoin de plusieurs secondes pour comprendre le non-dit d'Harry. Le dégoût s'infiltra à l'intérieur de ses veines lorsque l'évidence vient jusqu'à lui : le bouclé n'avait pas hésité, ne serai-ce qu'une seconde, à demander à un professionnel de lui déballer tous ces secrets. Et même s'il n'avait sûrement pas du trouver grand-chose, il fut vexé. Comme un pique que l'on enfonça à l'intérieur de sa poitrine.
« Remballes avec ta douceur à deux balles, Styles. »
« Appelles-moi Harry, j'aime pas mon nom de famille. »
« Non merci, Styles. »
Et, profitant d'une jeune femme qui brandissait son verre vide, Louis tourna les talons, désireux de briser ce contact visuel qu'il entretenait avec Harry. Durant de longues minutes, il vogua de verre en verre afin de satisfaire ses clients. Agacé et impatient, le bouclé abandonna le comptoir sur lequel il était accoudé afin de rejoindre l'autre extrémité du bar, celle où Louis semblait avoir élu domicile pour l'éviter.
« Je te paie un verre ? »
« Je travailles, ça ne se voit pas ? » grogna Louis, sur la défensive.
« Juste un. Et une ligne de coke si tu es docile. »
Louis haussa les épaules, un air désespéré s'étant incrusté sous les pores de sa peau. Pourquoi Harry était-il comme ça ? Avec ses défauts et ses rares qualités ? Pourquoi est-ce qu'il était si prévisible ? Pourquoi il était si troublant, si égocentrique, si beau. Pourquoi Louis ne le supportait plus, lui et son sourire acide, alors que quelques heures auparavant il aurait tout donné pour qu'il lui paye un verre et lui offre un sourire ?
« On vient vraiment pas du même monde. »
Et comme la première fois où ils s'étaient rencontrés, Louis devient acide, prudent, méfiant.
« Tu marques un point. Je suis riche, tu dépasses tout juste le seuil de pauvreté. Je suis le mal et toi le bien. Mon casier judiciaire est un vrai roman, le tien est absolument vierge. Même pas une contravention, c'est dingue. T'es blanc comme neige. Mais tout le monde aime la destruction, non ? »
La destruction. Harry pensait connaître ce mot, le pratiquer jour après jour, s'en servir comme d'une excuses à son malheur, à son mal-être. Mais la vérité était qu'Harry ne connaissait pas plus la destruction que Louis.
« Non. J'aime pas ça. La destruction ne te sers qu'à sombrer davantage. »
C'était l'auto-destruction, qu'il connaissait, qu'il pratiquait, qu'il aimait.
« Tu as réfléchis à ma proposition ? »
Ce revirement de situation, Louis ne s'y attendait pas. De même pour cette voix douce et limpide dont Harry venait de faire preuve, comme si la réponse qu'il allait entendre comptait réellement à ses yeux, comme s'il pensait que l'étudiant pouvait être sa bouée de sauvetage, sa barque de fortune. Comme si Louis pouvait aider Harry. Mais Louis ne se sentait pas capable d'aider qui que se soit. Tout ce dont il avait été capable, c'était de s'imaginer mille et uns scénarios quant aux discussions qu'ils auraient pu avoir le jour où ils se croiseraient de manière impromptue.
« J'avais autre chose à faire. » souffla t-il, presque pour se convaincre.
« Et maintenant, là, tout de suite, tu penses pouvoir prendre une seconde pour y réfléchir ? »
« Je pense que j'ai envie de t'embrasser mais que je préfère que tu t'en ailles. »
Parce qu'Harry était le danger et que le danger avait tendance à exciter.
Même le plus sage des êtres humains.
Autodestruction, nom féminin :
Destruction de soi-même, moralement ou physiquement.
Un ♥ pour être prévenu(e)
Milles baisers
@_scorched
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