
Souriant, Harry sortit des toilettes insalubre dans lesquelles il avait tracé son rail de poudre, salement, sur la cuvette, comme un drogué en manque. D'un geste mécanique, il s'essuya le nez de sa main moite. La sensation de brûlure le fit sourire, parce que ça faisait mal mais qu'il se sentait vivant.
Mais c'était quoi être vivant ?
Si c'était être paumé, drogué, mal dans sa peau, inconscient, alors oui, peut-être qu'il était vivant. Mais jusqu'à quand ? Un rail de trop et tout pouvait basculer, il le savait. Pourtant, il continuait, conscient de sa connerie, conscient de la merde dans laquelle il se noyait. Mais même s'il savait qu'il jouait sa vie, il avait encore plus conscience du fait qu'il ne pouvait plus tenter de reprendre le dessus sur sa vie en étant sobre. Parce que c'était trop compliqué de se battre contre ses démons, que c'était trop douloureux de combattre la vie à mains nues et qu'il préférait la combattre en ayant l'impression d'être indestructible.
La boîte de nuit était calme, vide et propre. Tout le contraire de ce qu'Harry avait l'habitude de voir. C'était comme s'il avançait en terrain inconnu et ça avait le pouvoir de le mettre mal à l'aise. Mais cette veste en jean qu'il tenait fermement dans la main lui donnait une once de force. C'était comme s'il s'accrochait à elle, comme s'il s'accrochait à ce bout de tissus appartenant à ce barman, comme s'il pensait qu'à lui tout seul il pourrait renverser sa routine.
« Vous voulez ? » demanda un homme quand il arriva à sa hauteur.
Les doigts du bouclé agrippèrent douloureusement le tissus, tellement que les jointures de ceux-ci se mirent à blanchir. Lentement, trop lentement à son goût, il passa une main dans ses cheveux avant de passer sa langue sur sa lèvres supérieure. Pourquoi il était venu ici, en pleine matinée ? Il aurait pu revenir le soir-même avec l'espoir que cet inconnu soit de service.
Mais non, l'idée avait germé dans son esprit dès lors qu'il s'était réveillé, avec une gueule de bois sans semblant et une bassine au pied de son lit. L'image de cet inconnu s'était cogné contre ses tempes et lorsqu'il s'était redressé il avait vu cette veste en jean qui se moquait de lui et de son lit vide.
« Le patron. » annonça Harry d'une voix hautaine.
« Que puis-je faire pour vous, monsieur Styles ? »
Cette veste semblait le regarder et lui hurler qu'il devait retrouver son propriétaire. Alors Harry s'était levé, le crâne lourd et douloureux, avant de faire fondre du paracétamol dans un verre d'eau fraîche. Il l'avait bu d'une traite avant de se glisser sous la douche où il resta de longues minutes en se demandant s'il devait réellement retrouvé ce barman aux yeux couleur océanique.
« Le nom d'un de vos employé et son lieu de résidence. »
La réponse lui avait brûlé les lèvres quand il était retourné s'habiller dans sa chambre et qu'il avait laissé son regard émeraude se poser une nouvelle fois sur la veste. Oui, il devait lui rendre cette veste et le remercier de ne pas l'avoir laissé mourir de froid. Il avait revêtu un slim noir qui mettait ses longues jambes en valeur avant de mettre un simple tee-shirt blanc qu'il recouvrit d'un trench-coat noir, également. Tout ce noir faisait ressortir la couleur de ses yeux, mais aussi la tristesse qu'on y lisait. Ce mal être qui semblait s'être incrusté à chaque cellules de son corps.
« Des dizaines de personnes travaillent ici, ça ne va pas être possible. »
Avant de sortir de chez lui, Harry avait visé un bonnet sur le haut de son crâne, avec la ferme intention de ne pas échouer. Alors non, il n'allait pas laisser ce soit disant patron en costard cravate bon marché le contredire. Il voulait un nom, un lieu et il les aurait. Il le savait. Parce que c'était Harry Styles et qu'il était bien naïf celui qui se le mettait à dos. À moins, bien sûr, d'être suicidaire.
« Plus petit que moi, des putains de yeux bleus, une bouche rosée. Il travaillait au bar de l'étage hier soir. »
« Ce sont des informations personnelles. Je ne peux pas. »
Les sourcils du bouclé se froncèrent. Un ride se creusa entres ces deux derniers.
Il n'avait pas l'habitude qu'on lui refuse quelques faveurs que ce soit. Alors deux fois en moins de vingt-quatre heures, il ne voulait pas. Un air odieux collé au visage, il sortit son porte feuille et balança vulgairement une liasse de billet sur le comptoir du bar. Un instant, il avait eu envie de la jeter sur le sol pour voir cet idiot, à quatre pattes, à ses pieds. Puis il s'était ressaisit.
Comme le regard hagard de l'homme ne se détachait plus de la liasse de billets qui s'était éparpillée sur le comptoir, Harry leva un sourcil, intrigué.
« Ce n'est pas assez, il faut plus ? » demanda Harry, le regard dur.
Sa voix était si mauvaise que l'homme eut un mouvement de recul.
« Non, vraiment. Je ne peux pas. »
« Et si j'appelle Monsieur Styles ? » menaça le bouclé, trop sûr de lui.
L'intimidation.
Quand l'argent ne lui offrait pas ce qu'il désirait, Harry usait de la facette de lui qui faisait peur aux gens. L'intimidation. Parce que son père effrayait, qu'il pouvait leur ruiner la vie et ils le savaient tous. Surtout Harry. Parce que son père avait ruiné la sienne, simplement en étant son père, sans n'avoir levé le petit doigt. Le simple nom Styles faisait trembler la foule, parce qu'il était associé à tellement d'horreur que les gens le fuyait.
« Louis Tomlinson. » lâcha l'homme, le regard dépité. « Je ne peux pas vous donner une adresse mais il est souvent dans un café après les cours. Dans Mayfair, près d'une galerie d'art. »
« Quand on veut, on peut. » souffla narquoisement le bouclé.
Et comme si de rien n'était, il tourna les talons, laissant la liasse de billets traîner sur le comptoir. D'une allure fière et élancée, le bouclé commença à marcher, faignant une désinvolture sans pareil. Dans la rue, souvent, des gens lui souriaient poliment, comme s'ils avaient peur qu'il ne leur saute à la gorge pour les égorger à cause d'un regard de travers. Harry savait que la réputation de son patrimoine génétique effrayait et que c'était la cause de sa solitude.
Qui voudrait être l'ami d'un fils de comme Harry ? Personne.
Parce que les Styles n'avait pas d'ami, seulement des gens à leurs bottes et des complices.
Il était tellement enfoncé dans ses pensées, noyé par la rage qu'il éprouvait envers son père et ce monde où régnait l'indifférence et la pitié, englouti par ce tourbillon de sentiments qui le submergeaient, qu'il faillit ne pas voir ce visage à travers la devanture du café. Mais lorsque son regard s'attarda sur son visage souriant, il s'arrêta net. C'était comme une décharge dans le ventre. Une décharge si puissante qu'il mit plusieurs secondes avant de réaliser qu'il s'était arrêté, lui, mais que le monde avait continué de tourner.
Les touristes le regardaient, se demandant ce qu'un jeune homme à l'allure si sobre et élégante faisait planté là, comme un idiot. Les autres, qui le connaissaient de nom et même souvent de visage, se contentaient de lui passer devant, comme s'il n'existait pas, comme s'il ne pouvait pas rendre leur vie insupportable. Parce que l'ignorance était la meilleure des armes. Louis n'avait pas changé d'un iota. Il était toujours souriant, même à travers cette vitre teintée. Son regard bleu était plongé dans celui d'un homme qui était placé en face de lui, sur une petite chaise en fer forgé. Son sourire s'étirait, souvent. Peut-être même tout le temps.
Il ne savait pas trop, Harry. Parce qu'il essayait de capter son regard et qu'il se demandait s'il devait vraiment lui rendre cette veste en jean qu'il tenait à présent sous son bras. Comme si elle était à lui ou qu'il la ramenait à un ami. Alors que tout ce qu'il savait de cet illustre inconnu, c'était qu'il s'appelait Louis Tomlinson, qu'il était étudiant et qu'il travaillait dans une boîte de nuit sélecte de la capitale. Rien de très captivant. À part peut-être son physique qui, lui, avait le pouvoir d'être captivant. Parce qu'il était juste beau. Tellement beau qu'Harry en était troublé, même s'il n'osait pas se l'avouer à lui-même. Parce que c'était Harry Styles.
Prenant un air faussement désinvolte qui lui allait si bien, Harry poussa la porte du café, faisant tinter une musique agaçante au dessus de lui. Il eut l'impression que tout le monde le regardait, mais ça ne le dérangea pas. Parce qu'il devait être le centre d'intérêt. Sauf qu'il n'était pas celui de ce barman puisqu'il ne lâcha pas le regard de son ami. Son rire tinta l'air et le regard d'Harry devient impossible à déchiffrer. Enfermé dans sa bulle, une pointe d'indifférence baignant son regard de braise, un sourire espiègle collé au visage, Harry commanda un café.
« Qu'est ce que tu regardes ? » souffla un jeune homme assis en face de Louis.
« Le bouclé derrière toi. »
Un sourire étira les traits fins du bouclé. Un sourire aussi vrai que la veille. Nonchalamment, il se laissa glisser sur un tabouret de bar, les mains autour de sa tasse, comme s'il ne faisait pas attention à la discussion qui se faisait derrière son dos.
« Styles ? C'est vrai qu'il est canon. »
« C'est pas du tout ce que tu crois. Et pourquoi tout le monde le connaît, d'abord ? »
« Tout le monde connaît sa réputation. Personne ne le connaît vraiment. Il est du genre solitaire. Pas casanier parce qu'il aime se faire voir, mais rarement au bras de la même personne. Donc ouais, il est juste solitaire. » souffla t-il, un sourire contrit collé au visage.
Cette description de sa propre personne le fit frémir. Alors, c'est comme ça qu'on le voyait, de l'extérieur ? Un solitaire. Esseulé, isolé, délaissé. Une pointe d'énervement se déversa dans ses veines. Alors, pour ne pas perdre le contrôle de la situation, il fit glisser une petite quantité du breuvage amer que contenait sa tasse. Une grimace déforma son visage et Louis posa une nouvelle question, comme s'il en avait réellement quelque chose à faire.
Mais peut-être que, après tout, il en avait quelque chose à faire. Du moins, Harry l'espérait.
« Par choix ou par obligation ? » demanda Louis, visiblement intéressé.
« Aucun des deux. Je pense qu'il aimerait de la compagnie. Seulement, c'est Harry Styles, et sa réputation n'est plus vraiment à faire. »
Louis hocha la tête, tentant d'encaisser toutes ses nouvelles informations tout en les mettant en ordre. Malheureusement, se fut impossible parce qu'une question se mit à lui brûler les lèvres. Si fort qu'il dû se mordre la lèvre inférieure pour ne pas hurler tout ce qui lui traversait l'esprit. Au premier abord, Harry lui avait paru si narcissique et si sûr de lui que ça l'avait énervé. Puis quand il l'avait vu, grelottant dans la fraîcheur de la nuit et qu'il avait lu ce vide dans son regard, il avait ressenti une once de pitié à son égare. Juste une seconde. Et puis il a avait de nouveau eut l'air d'un connard narcissique.
« D'où viens cette réputation ? »
La phrase de trop, celle qui fit réagir Harry qui fit volte face, un air aigri collé au visage.
« Mon père. Desmond Styles. » lâcha t-il simplement.
Le regard de Louis lui brûlait la peau, parce que cette pitié qu'il avait aperçu dans son regard était de nouveau présente, comme si elle allait mettre sa carapace à nue. Personne ne parla pendant de longues secondes puis Harry se leva pour simplement poser la veste de l'étudiant sur la table. Mais au lieu de partir, comme il aurait dû le faire, il posa une main de chaque côté de cette dernière, son regard émeraude plongé dans celui, océanique, du jeune homme.
« Et toi, c'est Louis. » continua t-il avec une assurance déconcertante.
« C'est ton petit doigt qui te l'a dis ? »
« Non, ton patron. Que j'ai dû payer, évidemment. »
Cet air supérieur que lui donnait son argent, Louis le détestait. Encore plus que cet air trop sûr de lui qu'il avait, constamment. Alors non, il ne pouvait pas s'empêcher de le regarder avec mépris, de lui répondre avec dédain, de lui faire comprendre qu'il n'était pas mieux qu'un autre.
« Ça doit être compliqué d'avoir tellement d'argent qu'on se sent obligé d'en jeter par les fenêtres. » souffla t-il simplement, le regard terne.
Un sourire figé sur son visage, Harry attrapa une chaise avant de s'asseoir à la table des deux jeunes hommes. Il passa plusieurs secondes à dévisager l'homme qui se trouvait en face d'Harry. Il avait de grand yeux bleus, un teint pale, des joues rougies. Il n'était pas affreux à regarder, pourtant, Harry ne put pas s'empêcher de se tourner de nouveau vers Louis.
Parce que lui, il était beau.
« C'était pas les fenêtres, seulement le comptoir. »
Il répondait avec tant de décontraction que Louis haussa les épaules, désespéré. Harry ne sembla pas faire attention à ça, parce qu'il continua de reluquer l'étudiant, d'une manière si équivoque que Jake, l'ami de Louis, ne put s'empêcher de glousser. Harry ne fit attention à rien, même pas au regard méprisant que Louis lança à son ami parce qu'il comprit ce que cachait ce rire.
Un simple « T'as une touche, mon pote » qui agaça Louis. Parce que non, il n'avait pas et ne voulait pas avoir quelque chose à faire avec Harry Styles, ce gosse de riche si imbu de sa personne. Alors, voulant couper court à cette discussion, il lança un regard mauvais à Harry avant de prononcer quelques paroles, baignées de mépris.
« Merci pour la veste. Bonne journée, Styles. »
« C'est tout ? J'aurais pu la mettre à la poubelle. » fit-il, avec dédain.
« Tu aurais peut-être dû. Elle empeste le vomi. »
Harry hocha la tête, vexé. Jamais il ne l'avouerait mais Louis arrivait à lui faire ressentir autre chose que de l'indifférence, et ça lui plaisait. Ses paroles cinglantes lui plaisaient, aussi. Autant que son regard bleu qui s'assombrissait chaque fois qu'il lui envoyait une pique. Tout lui plaisait, chez lui, en réalité. Un peu trop, peut-être.
« Pourquoi tu t'intéresses à moi ? » souffla Harry.
« Parce que j'aime savoir à qui j'ai affaire. »
« Moi aussi. Alors, que peux-tu me raconter ? »
Louis haussa les épaules. Que pouvait-il raconter le concernant ? Il travaillait comme un forcené à la faculté pour pouvoir garder sa bourse et s'offrait quelques plaisir en travaillant le week-end, dans une boite de nuit londonienne. Ses deux parents étaient mariés depuis ce qui lui semblait une éternité et il avait une tripoté de s½urs. Il n'avait rien d'intéressant à dire, pas de casier judiciaire, il ne se droguait pas et les rares fois où il buvait, il ne prenait pas le volant.
« Rien. » souffla Louis, souriant. « Je ne suis pas comme toi. »
« Alors j'engagerais quelqu'un qui me racontera tout tes secrets. »
« Fais donc, j'ai rien à cacher. »
Harry hésita plusieurs secondes, entre partir et rester. Ses yeux papillonnèrent entre le regard bleuté de Louis et la porte. Il avait envie de rester. Terriblement envie, même. Pour plonger son regard dans celui du mécheux, pour respirer son odeur qui flottait dans l'air, pour le regarder se mordre la lèvre et lever les yeux au ciel. C'était tellement tentant qu'Harry se mordit la lèvre à cette pensée. Ça lui aurait fais un bien fou de se retrouver avec quelqu'un de normal, pour une fois. Mais ces chances avec Louis était moindre, pour le moment.
Il lui fallait attendre encore un peu, qu'il cède à la tentation. Alors, promptement, il se pencha à l'oreille du brun pour y souffler quelques paroles relevée d'une pointe de sensualité.
« Un jour, tu accepteras ma proposition. C'est dur de me résister. »
Puis il leur tourna le dos alors que Louis le regardait, les lèvres rougies de les avoir trop mordues, les yeux brillants à force de le regarder, le c½ur battant parce que cette histoire était folle.

roxie95, Posté le samedi 18 juillet 2015 17:42
j'adore